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« Une brève histoire de l’économie » : le dernier voyage de Daniel Cohen

Ceci n’est pas un testament. Daniel Cohen, disparu le 20 août 2023 à l’âge de 70 ans, ne l’a pas envisagé ainsi. Le projet se voulait juste un synopsis de bande dessinée grand public qui s’est transformé en un formidable voyage dans l’histoire de l’humanité avec Une brève histoire de l’économie (Albin Michel, 176 pages, 19,90 euros). En neuf courts chapitres, il nous entraîne de l’aube de l’humanité à la nouvelle civilisation algorithmique dans un récit étourdissant à mettre entre toutes les mains et surtout dans celles de ceux qui ne s’intéressent pas à l’économie.
Le voyage commence avec les chasseurs-cueilleurs chers à Claude Lévi-Strauss, attachés à une existence courte et sans autre souci que celui de la subsistance, ne travaillant que de deux à quatre heures par jour.
C’est le développement de l’agriculture, vers 5000 avant J.-C., qui crée des civilisations de plus en plus spectaculaires et belliqueuses. Mais la prospérité n’est qu’apparente. Le pouvoir d’achat d’un journalier à Babylone en 1800 avant notre ère est à peu près le même que celui d’un cultivateur en Angleterre trois mille cinq cents ans plus tard. La faute à la loi de Malthus : la prospérité engendre le développement démographique qui bute alors sur la rareté des ressources. L’abondance ne se produit que dans la foulée des guerres, des épidémies ou des famines.
Puis tout s’accélère. En 1776, Adam Smith théorise la division du travail, puis le progrès technique et la transition démographique changent la donne mais engendrent un nouveau malheur, celui de l’exploitation de la « force de travail » observée par Karl Marx au milieu de XIXe siècle. Le charbon et les esclaves, l’industrie et les colonies.
La vraie introspection suivra la crise financière de 1929. John Maynard Keynes montre que l’Etat peut amortir les crises et protéger l’emploi par la stimulation de la demande. Son approche influencera toute l’économie et la politique d’après-guerre en Europe avec le développement de l’Etat-providence.
Les « trente glorieuses » déboucheront dans les années 1970 sur un nouveau paradigme économique, celui du retour du libéralisme. Les décennies suivantes seront celles du développement du capitalisme actionnarial et mondialisé qui cassera les solidarités anciennes au sein de l’entreprise.
Cette très longue histoire débouche sur deux obsessions, toujours les mêmes. Notre société était agricole, elle est devenue industrielle, puis progressivement postindustrielle avec un secteur tertiaire dominant. Mais le numérique est en train d’industrialiser les services. L’intelligence artificielle apportera une efficacité redoutable à ce processus dont l’objectif est d’effacer ce qui faisait le propre d’une activité de service, l’interaction humaine. Quelle civilisation nous prépare le numérique ?
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